L’émotion est à son comble au sein des membres de la délégation de l’Association Josette et Maurice Audin. Elle séjourne, du 28 mai au 6 juin 2022, en Algérie, pays qui célèbre le 60ème anniversaire de son indépendance.
Pas moins de quinze personnes composent la délégation qui séjourne en Algérie du 28 mai au 6 juin 2022, à l’initiative de l’Association Josette et Maurice Audin (AJMA). Quinze que l’émotion submerge dès l’atterrissage de l’avion dans ce pays qui a conquis son indépendance en 1962. Leurs habits de chercheurs, de mathématiciens, de juristes ou de documentaristes ne suffisent pas à dissiper l’excitation éprouvée en ce premier jour du périple les menant d’Alger à Constantine en passant par Oran. Un voyage dans le temps, en quête de l’Algérie d’hier et d’aujourd’hui.
Français, Algériens, Franco-algériens, ils et elles partagent cette folle envie de briser les frontières qui tentent d’emmurer le désir et la nécessité d’entente, de solidarité et d’échange entre les individus et les peuples.
Des valeurs que la délégation entend contribuer à renforcer dans les domaines de la culture, de l’Histoire ou des sciences. Pierre Audin, fils de Josette et Maurice Audin, soutient : « L’avancée du dossier concernant le développement scientifique me tient à cœur. » Aussi, depuis 2010, il est venu à plusieurs reprises dans son pays natal pour « faire de la vulgarisation mathématique et scientifique ». Car, précise-t-il, dans un entretien à la Nouvelle République (15/05/22), « le peuple algérien a droit au meilleur de la culture, la science ne doit pas être en reste ».
La plupart des quinze membres de la délégation connaissent déjà l’Algérie, y ont séjourné au moins une fois. A l’exception de Christophe Lafaye. Lui, jubile à l’idée de « rencontrer pour la première fois les Algériennes et Algériens ». Chercheur, il se dit convaincu que « le rôle de l’historien dans sa quête de la vérité peut être utile aux peuples pour établir les faits et contribuer à faire émerger la justice par une juste compréhension des événements du passé ».
Une approche largement partagée par les deux autres historiens, Gilles Manceron et Alain Ruscio. Ce dernier est intarissable sur la colonisation et la guerre d’indépendance, sujets sur lesquels il travaille depuis des décennies. Tout comme François Demerliac, caméra au poing, ne cesse de recueillir les témoignages de combattants et combattantes pour l’indépendance d’El-Djazaïr. Il est, entre autres, réalisateur de ‘’La Disparition’’, film relatant l’affaire Audin. Le séjour à Alger, Oran et Constantine est, pour François Demerliac, l’occasion de continuer ce travail de recueil de la parole de celles et ceux qui ont pris part à la guerre de libération.
Motivée par ce voyage, la juriste Catherine Teitgen-Colly l’est particulièrement pour « tenter d’approcher par l’échange et la discussion les enjeux d’aujourd’hui que constitue ‘’le droit à la vérité’’, consacré désormais par le droit international des droits de l’Homme et la réconciliation des mémoires ».
Ce séjour est l’aboutissement d’une longue réflexion au sein de l’Association Josette et Maurice Audin. Comment honorer comme il se doit le 60ème anniversaire de la guerre d’indépendance ? Quel geste fort peut être à la hauteur de cet événement ? Autant de questions qui ont taraudé Pierre Mansat, le président de l’AJMA. « Aller en Algérie pour fraterniser, échanger, partager, faire connaître le combat de cette association française m’est apparu comme un impératif intime », dit-il.
Fantasmé, ce voyage s’est concrétisé le 21 novembre 2021, lors d’une réunion des animateurs de cette organisation créée en 2004 . A partir de cette date rien n’a arrêté la marche vers cette Algérie à mi-chemin entre la libération et la liberté. « Elle n’est pas encore devenue le pays pour lequel mes parents ont milité, pour lequel mon père a laissé la vie », soutient Pierre Audin, mathématicien comme l’était ses deux parents, ainsi que sa sœur Michèle. Celle-ci signe le livre ‘’Une Vie brève’’, dont Sandrine-Malika Charlemagne fera une lecture dans les trois villes du parcours. Ecrivaine et dramaturge, elle confie : « D’origine algérienne par mon père, j’attache beaucoup d’importance à ce qui peut créer des liens entre les deux peuples. Et à soutenir les efforts pour se réapproprier la mémoire. »
Parmi les quinze voyageurs, Fatiha Hassanine est sans conteste la personne que l’émotion enveloppe de la tête aux pieds. Très volontaire au sein de l’AJMA, cette franco-algérienne veut rendre hommage à ses parents. « Mon père, raconte-t-elle, avait acheté une 404 nous permettant de nous entasser pour partir au pays. Ces voyages ont construit l’amour de « bladi », comme le nommait mon père. » Un amour indéfectible, commun à Pierre Audin et à tant d’autres membres de la délégation.
Mina Kaci